Tennis - Jeux Olympiques
Federer, sur les traces de Massu
Publié le 04/08/2012 à 20:30, mis à jour le 04/08/2012 à 20:45
Un seul homme est parvenu à remporter deux médailles d'or en tennis depuis leur retour aux JO : Nicolas Massu, en simple et en double en 2004. Déjà titré en double à Pékin, Roger Federer peut l’égaler dimanche.
DPPI
"J'adorerais faire la même chose que Massu." Toujours aussi au fait des palmarès de son sport, Roger Federer rendait en début de semaine hommage au Chilien Nicolas Massu, médaillé d'or
en simple et en double à Athènes, en 2004. Le double, le Suisse l'a déjà gagné, en 2008. Le simple, il tentera de l'arracher dimanche face à Andy Murray. Depuis Miami, où il s’entraine, Massu s’est montré touché par la référence à ce qui est le grand fait d’armes
de sa carrière : "Je sais que j’ai un parcours à part. Je m’en rends compte tous les quatre ans ! Même quand on m’aura un peu oublié, je
reviendrai toujours sur le devant de la scène lors des Jeux. Je resterai celui qui a gagné deux médailles d’or à Athènes." La voix est douce, le ton posé. Nulle vanité, ni
regret, dans les propos de Nicolas Massu. Juste la fierté, toujours bien présente, d’avoir réussi à accoler son nom à ceux d’Agassi, Kafelnikov ou Nadal dans la légende olympique.
Quand arrivent les Jeux d’Athènes, le Chilien a 24 ans et gravite autour du Top 10 mondial depuis quelques mois déjà. Ce
rendez-vous, il l’attend avec impatience : "A Sydney déjà, alors que j’étais tout jeune pro, j’avais eu la chance d’être le porte-drapeau de mon
pays lors de la cérémonie d’ouverture. Porter le drapeau du Chili aux Jeux, c’était extraordinaire. J’ai tout de suite aimé cette compétition." C’est que Massu et son ami
d’enfance Fernando Gonzalez, cent sélections en Coupe Davis à eux deux, ne badinent pas avec la représentation nationale. Les Jeux étaient un terrain d’expression idéal à leur patriotisme :
"Représenter le Chili est une des choses les plus importantes que j’ai connu en tant que sportif, reprend l’ancien N°9 mondial.
Je suis très fier d’être chilien, fier de mon pays. Chez nous, les succès sont encore plus durs à obtenir qu’ailleurs, à cause de l’éloignement
géographique et du manque d’argent. Le moindre déplacement hors du pays coûte très cher. Tout est plus difficile depuis notre bout du monde, et cela nous a rendus encore plus heureux de donner
aux Chiliens leurs deux premières médailles d’or."
8 heures de jeu en 24 heures : Djokovic en est encore bluffé
Athènes marque le sommet de la carrière de Nicolas Massu, et la gloire du sport chilien : jamais encore le pays n’avait remporté l’or olympique. En 24 heures, Nicolas Massu lui en apporte
deux, dans une compétition où les meilleurs, Federer et Roddick en tête, étaient pourtant bien présents. En double d’abord, associé à Gonzalez, pour une victoire en cinq sets sur Kiefer et
Schuettler. En simple ensuite, après une victoire en cinq manches sur Mardy Fish. Huit ans plus tard,
Novak Djokovic en est toujours soufflé : "Je n’ai jamais revu depuis quelqu’un produire
un effort comparable sur un court de tennis", saluait-il jeudi. En tout, Massu aura passé huit heures sur le court en moins de 24 heures. "C’était
incroyable, un vrai tourbillon, se souvient l’intéressé. Si on m’avait dit que j’avais ça en moi… Le meilleur moment, je crois que c’est juste après le simple, quand j’ai gagné ma
deuxième médaille. Tout était enfin fini, je pouvais savourer ce que j’avais accompli. J’avais tant lutté pour en arriver là…"
Modèle de combativité, doté d’un fort tempérament sur le court, Massu dit s’être forgé sa carapace de dur au mal auprès de ses grands-parents maternels, Hongrois d’origine juive et survivants des
camps d’extermination durant la Seconde Guerre mondiale. Ils auront été une source d’inspiration permanente pour leur petit-fils : "J’ai toujours
dit que s’ils avaient survécu à ça, je pouvais bien me battre sur un court de tennis !" C’est d’ailleurs ce grand-père récemment disparu, Ladislao Fried, architecte
réputé et auprès duquel les équipes de Steven Spielberg sont venues chercher conseil pour le tournage de La liste de Schindler, qui le détourna du sacro-saint football en lui mettant une
raquette entre les mains quand il était enfant. Sans imaginer alors que la ténacité de son petit-fils le conduirait jusqu’au balcon du palais présidentiel de la Moneda, sous les acclamations de
milliers de compatriotes.
Car au lendemain d’Athènes, le retour au pays est triomphal : "Tout le Chili est descendu dans les rues pour nous saluer et nous marquer son affection. C’était très beau, comme un rêve. J’en ai pleuré. Tant de joie au milieu de toutes les
difficultés du pays… J’étais content de pouvoir donner ce bonheur aux gens, et d’avoir leur reconnaissance en retour, pour la sincérité avec laquelle j’ai toujours représenté mon pays. Du début
de ma carrière jusqu’à aujourd’hui, chaque fois que je joue pour le Chili c’est comme si ma vie en dépendait. A la vie, à la mort." La
petite mort du sportif, Nicolas Massu y a ensuite goûté. Quelques blessures – aine, genou, coude – et puis des hauts,
des bas, des fluctuations de forme et de motivation : "L’année après Athènes a été difficile. J’ai fini par rebondir, mais toujours avec un certain manque de constance
dans mon jeu. J’ai encore connu quelques bonnes années, d’autres moins bonnes, des phases excellentes et de très mauvaises. Les blessures m’ont souvent stoppé net, et derrière, de voir son niveau
baisser sans pouvoir rien faire, ça affecte énormément."
Londres : "La première fois de ma carrière que les Jeux se déroulent sans moi"
En tant que champion olympique en titre, il est encore du voyage à Pékin, en 2008, pour ses troisièmes olympiades consécutives : "En fait, c’est à
ce moment-là que j’ai commencé à vraiment réaliser ce que j’avais accompli à Athènes : en comprenant à quel point ça serait difficile de reproduire ça à Pékin. J’ai vu les tableaux, et pff…
C’est là que j’ai regardé en arrière et que j’ai pris conscience de ce que j’avais réussi. Et, depuis, à chaque jour qui passe je m’en rends un peu plus compte. Quand j’étais enfant, je rêvais de
réussir quelque chose de grand dans le monde. Grâce aux Jeux, j’y suis parvenu." La mélancolie pointe alors : "C’est une période bizarre, en ce moment. C’est la première fois de ma carrière
que les Jeux se déroulent sans moi… J’ai espéré recevoir une invitation mais, il faut être honnête, au vu de mes résultats ces derniers mois, je comprends que ça ne soit pas le
cas."
Malgré une tendinite au coude persistante, le Chilien, à bientôt 33 ans, s’est lancé un dernier challenge, et vient de reprendre la compétition en Amérique Latine. "Je tente de m’offrir une belle fin de carrière. Me faire opérer signifiait quasiment la fin. J’ai préféré miser sur le kiné et la récupération. J’espère retrouver un
classement acceptable, revenir sur les gros tournois ATP, rejouer la Coupe Davis, aussi. J’ai parlé avec Tommy Haas, qui est resté deux ans sans jouer à cause d’une blessure, et son exemple
m’inspire beaucoup. Ceux de Juan Carlos Ferrero et Lleyton Hewitt, aussi. Je veux me sentir
heureux de mon tennis une dernière fois."
Loin du village olympique de Londres, mais toujours imprégné de l’esprit des Jeux : "Ce que j’ai fait à Athènes, on est peu nombreux à y être parvenus.
Je me souviens que, quelques jours après ma victoire, Andre Agassi est venu me féliciter dans le vestiaire à l’US Open, et on a échangé sur nos ressentis, nos médailles d’or. Lui, moi ou Federer,
nous partageons tous la même fierté. Voir leurs larmes sur le podium exprime bien la valeur qu’ils accordent à la compétition. Et être reconnu par ces champions est quelque chose
d’indescriptible." Du haut de ses deux médailles d’or, dimanche, il ne sera peut-être plus seul au sommet de l’Olympe.
Eurosport - Guillaume WILLECOQ